Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/54

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Vient sourire aux succès de sa rage farouche,
Et, la soif encore à la bouche,
Ruminer tout le sang dont il a bu les flots.
Arts dignes de nos yeux ! pompe et magnificence

Dignes de notre liberté.
Dignes des vils tyrans qui dévorent la France,
Dignes de l’atroce démence
Du stupide David qu’autrefois j’ai chanté !

Depuis l’aimable enfant au bord des mers, qui joue de la double flûte aux dauphins accourus, nous avons touché tous les tons. C’est peut-être au lendemain même de ce dernier ïambe rutilant, que le poète, en quelque secret voyage à Versailles, adressait cette ode heureuse à Fanny :

Mai de moins de roses, l’automne
De moins de pampres se couronne,
Moins d’épis flottent en moissons,
Que sur mes lèvres, sur ma lyre,
Fanny, tes regards, ton sourire,
Ne font éclore de chansons.

Les secrets pensers de mon âme
Sortent en paroles de flamme,
À ton nom doucement émus :
Ainsi la nacre industrieuse
Jette sa perle précieuse,
Honneur des sultanes d’Ormuz.

Ainsi, sur son mûrier fertile,
Le ver du Cathay mêle et file
Sa trame étincelante d’or.
Viens, mes Muses pour ta panne
De leur soie immortelle et pure
Versent un plus riche trésor.