Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/89

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T’ouvre tous les trésors. Ta grâce auguste et fière
De nature et d’éternité
Fleurit. Tes pas sont grands. Ton front ceint de lumière
Touche les cieux. Ta flamme agite, éclairé,
Dompte les cœurs. La liberté,
Pour dissoudre en secret nos entraves pesantes,
Arme ton fraternel secours.
C’est de tes lèvres séduisantes
Qu’invisible elle vole ; et par d’heureux détours
Trompe les noirs verrous, les fortes citadelles,
Et les mobiles ponts qui défendent les tours,
Et les nocturnes sentinelles.


III



Son règne au loin semé par tes doux entretiens
Germe dans l’ombre au cœur des sages.
Ils attendent son heure, unis par tes liens,
Tous, en un monde à part, frères, concitoyens,
Dans tous les lieux, dans tous les âges.
Tu guidais mon David à la suivre empressé :
Quand, avec toi, dans le sein du passé,
Fuyant parmi les morts sa patrie asservie,
Sous sa main, rivale des dieux,
La toile s’enflammait d’une éloquente vie ;
Et la ciguë, instrument de l’envie,
Portant Socrate dans les cieux ;
Et le premier consul, plus citoyen que père,
Rentré seul par son jugement,
Aux pieds de sa Rome si chère
Savourant de son cœur le glorieux tourment ;