Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/101

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Ses décrets, confiés à la voix des dieux même,
Entraînent sans convaincre, et le monde ébloui
Pense adorer les dieux en n’adorant que lui.
Il fait honneur aux dieux de son divin ouvrage.
C’est alors qu’il a vu tantôt à son passage
Un buisson enflammé receler l’Éternel ;
C’est alors qu’il rapporte, en un jour solennel,
De la montagne ardente et du sein du tonnerre,
La voix de Dieu lui-même écrite sur la pierre ;
Ou c’est alors qu’au fond de ses augustes bois
Une nymphe l’appelle et lui trace des lois,
Et qu’un oiseau divin, messager de miracles,
À son oreille vient lui dicter des oracles.
Tout agit pour lui seul, et la tempête et l’air,
Et le cri des forêts, et la foudre et l’éclair ;
Tout. Il prend à témoin le monde et la nature.
Mensonge grand et saint ! glorieuse imposture,
Quand au peuple trompé ce piège généreux
Lui rend sacré le joug qui doit le rendre heureux !


Il n’y a qu’un peuple vertueux qui puisse être et rester libre. Pour goûter la liberté, il ne faut pas aimer le repos et la mollesse. L’esclavage est plus paisible que la liberté.

Il serait même dangereux de donner des lois à un peuple qui ne serait pas mûr. On nourrit l’enfant avec du lait d’abord, et le lourd boucher ne charge point son bras. Après le morceau sur les législateurs, il faut observer qu’il est impossible d’avoir une bonne constitution sitôt qu’on est réuni en société ; qu’il serait nuisible qu’un grand législateur naquit alors ; que cela est même impossible, attendu qu’il ne naît point d’hommes d’un génie sublime et éclairé parmi des hommes absolument aveugles. Il y a un rapport…