Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/164

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Qu’un œil sûr te dirige, et de loin avec art
Dispose ces ressorts que l’on nomme hasard.
Mais souvent un jeune boraine, aspirant à la gloire
De venir, voir et vaincre et prôner sa victoire,
Vole et hâte l’assaut qu’il eût dû préparer.
..................
L’imprudent a voulu cueillir avant l’automne
L’espoir à peine éclos d’une riche Pomone ;
Il a coupé ses bleds quand les jeunes moissons
Ne passaient point encor les timides gazons[1].
Le danger, c’est ainsi que leur bouche l’appelle
D’abord effraie ou semble effrayer une belle ;
Prudence, adresse, temps, savent l’accoutumer
À le voir sans le craindre et bientôt à l’aimer.


Quand Junon sur l’Ida plut au maître du monde,
Xanthus[2] l’avait tenue ait cristal de son onde ;
Et sur sa peau vermeille une savante main
Fit distiller la rose et les flots de jasmin.
Cultivez vos attraits ; la plus belle nature
Veut les soins délicats d’une aimable culture.
Mais si l’usage est doux, l’abus est odieux.
Des parfums entassés l’amas fastidieux,
De la triste laideur trop impuissantes armes,
À d’indignes soupçons exposeraient vos charmes.
Que dans vos vêtemens le goût seul consulté
N’étale qu’élégance et que simplicité.

  1. Édit. 1819
  2. Le Xanthe est le même fleuve que le Scamandre. Voy. Œuvres complètes de La Fontaine, édit. Louis Moland, t. IV, p. 362.