V[1]
FABLE TRADUITE D’HORACE
Un jour le rat des champs, ami du rat de ville,
Invita son ami dans son rustique asile.
Il était économe et soigneux de son bien ;
Mais l’hospitalité, leur antique lien,
Fit les frais de ce jour, comme d’un jour de fête,
Tout fut prêt : lard, raisin, et fromage et noisette ;
Il cherchait par le luxe et la variété
À vaincre les dégoûts d’un hôte rebuté,
Qui parcourant de l’œil sa table officieuse,
Jetait sur tout à peine une dent dédaigneuse.
Et lui, d’orge et de blé faisant tout son repas,
Laissait au citadin les mets plus délicats.
« Ami, dit celui-ci, veux-tu dans la misère
Vivre au dos escarpé de ce mont solitaire,
Ou préférer le monde à tes tristes forêts ?
Viens ; crois-moi, suis mes pas ; la ville est ici près :
Festins, fêtes, plaisirs y sont en abondance.
L’heure s’écoule, ami ; tout fuit ; la mort s’avance :
Les grands ni les petits n’échappent à ses lois ;
Jouis, et te souviens qu’on ne vit qu’une fois. »
- ↑ Édition 1819.