Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/221

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VI[1]


Ainsi, lorsque souvent le gouvernail agile
De Douvre ou de Tanger fend la route mobile,
Au fond du noir vaisseau sur la vague roulant
Le passager languit malade et chancelant.
Son regard obscurci meurt. Sa tête pesante
Tourne comme le vent qui souffle la tourmente,
Et son cœur nage et flotte en son sein agité
Comme de bonds en bonds le navire emporté.
Il croit sentir sous lui fuir la planche légère ;
Triste et pâle, il se couche, et la nausée amère
Soulève sa poitrine, et sa bouche à longs flots
Inonde les tapis destinés au repos.
Il verrait sans chagrin la mort et le naufrage :
Stupide, il a perdu sa force et son courage.
Il ne retrouve plus ses membres engourdis.
Il ne peut secourir son ami ni son fils,
Ni soutenir son père, et sa main faible et lente
Ne peut serrer la main de sa femme expirante.


Fait en partie dans le vaisseau, en allant à Douvres, couché et souffrant, le 6. Écrit à Londres, le 10 décembre 1787.



VII[2]


Sans parents, sans amis et sans concitoyens.
Oublié sur la terre et loin de tous les miens.

  1. Édition 1833.
  2. Édition 1819.