Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/246

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De recueillir pour double récompense,
Avec l’estime et l’amitié des bons,
Un autre bien : la haine des fripons.


IV[1]

Or venez maintenant, graves déclamateurs,
D’almanachs, de journaux, savants compilateurs ;
Déployez pour mes vers vos balances critiques,
Flétrissez-les du sceau des lettres italiques ;
Citez faux de grands noms, épouvantails des sots ;
Aux lourds raisonnements joignez de lourds bons mots ;
Assurez que ma muse est froide ou téméraire,
Que mes vers sont mauvais, que ma rime est vulgaire.
Je l’ai bien fait exprès ; votre chagrin m’est doux.
Je serais bien fâché qu’ils fussent bons pour vous.
Mon Dieu ! lorsqu’imitant ce bon roi de Phrygie,
Vous jugez ou le drame, ou l’ode, ou l’élégie,
Faut-il que nul démon, ami du genre humain.
Jamais à votre front ne porte votre main !
Vous sauriez une fois combien les doctes veilles[2]
Sur votre tête auguste allongent vos oreilles

  1. Revue de Paris, 1830.
  2. Nous admettons pour ce vers une correction du premier éditeur. André Chénier avait écrit :

    Vous connaîtriez au moins combien vos doctes veilles
    ce qui faisait un vers faux.