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Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/258

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L’équité clairvoyante aurait règne sur nous
Le faible aurait osé respirer près de vous ;
L’oppresseur, évitant d’armer de justes plaintes,
Sinon quelque pudeur, aurait eu quelques craintes ;
Le délateur impie, opprimé par la faim.
Serait mort dans l’opprobre, et tant d’hommes enfin,
À l’insu de nos lois, à l’insu du vulgaire.
Foudroyés sous les coups d’un pouvoir arbitraire,
De cris non entendus, de funèbres sanglots.
Ne feraient point gémir les voûtes des cachots.


J’ai dit : Ô Vierge adorée ! en quels lieux te chercher ? (parler ensuite de ces innocents accusés et condamnés, des hommes éloquents qui les défendent et qui encourent l’inimitié des juges ignares et pervers). Finir par : Non, je ne veux plus vivre…[1]


Non, je ne veux plus vivre en ce séjour servile ;
J’irai, j’irai bien loin me chercher un asile,
Un asile à ma vie en son paisible cours,
Une tombe à ma cendre à la fin de mes jours,
Où d’un grand au cœur dur l’opulence homicide
Du sang d’un peuple entier ne sera point avide,
Et ne me dira point, avec un rire affreux,
Qu’ils se plaignent sans cesse et qu’ils sont trop heureux ;
Où, loin des ravisseurs, la main cultivatrice
Recueillera les dons d’une terre propice ;
Où mon cœur, respirant sous un ciel étranger,
Ne verra plus des maux qu’il ne peut soulager ;

  1. Suite et fin du canevas en prose, se trouvant dans l’édition de G. de Chénier.