Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/327

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Presque tous les tableaux qui paraissent depuis plusieurs années, même les moins bons, semblent cependant faits avec l’intention de se rapprocher de cette excellente manière, redevenue nouvelle, et manifestent par là l’utile influence que cet habile homme exerce sur notre École ; et c’est une obligation de plus que lui ont les arts, puisque, outre les chefs-d’œuvre qu’il produit lui-même, tous les émules qui veulent le suivre rentrent sur ses pas dans la seule route qui ait mené jadis et qui puisse mener encore au grand et au vrai, qui sont le beau dans les arts.

Si je ne me suis pas conformé à l’usage de ne rendre justice aux hommes de talent qu’après leur mort, je l’ai fait moins encore par le désir de louer un grand artiste, que par celui d’inviter les hommes qui pensent et qui aiment les arts à en examiner les véritables principes.

Je terminerai par une réflexion qui s’applique à beaucoup d’objets. Ce n’est point chez ceux des artistes qui ne sont qu’hommes de métier ; ce n’est point dans les ateliers où les jeunes gens étudient le mécanisme de la peinture, que l’on apprend à sentir et à juger les beautés et le but de cet art divin. Une foule d’hommes sortent de là, dont la main est très-capable de couvrir une toile de couleurs harmonieuses, mais dont l’esprit est incapable de concevoir un tableau. Aussi de tout temps y a-t-il eu peu de peintres pour ceux qui ne louent qu’après avoir senti, et qui ne sentent que lorsque la simplicité de la composition, la pureté des formes, la naïveté des mouvements ont produit cette expression complète,