Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Par qui bientôt frappés de sa trace nouvelle
Ils volent à grands cris sur sa route fidèle.


La plupart des fables furent sans doute des emblèmes et des apologues des sages. (Expliquer cela comme Lucrèce au liv. III[1].) C’est ainsi que l’on fit tels et tels dogmes, tels et tels dieux… mystères… initiations. Le peuple prit au propre ce qui était dit au figuré… C’est ici qu’il faut traduire une belle comparaison du poète Lucile conservée par Lactance, Divinæ institutiones, lib. 1 :


Ut pueri infantes credunt signa omnia ahena
Vivere et esse homines : sic istic omnia ficta
Vera putant
, etc.


Sur quoi le bon Lactance, qui ne pensait pas se faire son procès à lui-même, ajoute, avec beaucoup de sens, que les enfants sont plus excusables que les hommes faits :


Illi enim simulacra homines putant esse, hi Deos.


L’homme juge toujours des choses par les rapports qu’elles ont avec lui. C’est bête… Le jeune homme se perd dans un tas de projets comme s’il devait vivre mille ans… Le vieillard qui a usé la vie est inquiet et triste. Son importune envie ne voudrait pas que la jeunesse l’usât à son tour… Il crie : Tout est vanité ! — Oui, tout est vain sans doute… et cette manie, cette inquiétude, cette fausse philosophie venue malgré toi, lorsque tu ne peux plus remuer, est plus vaine encore que tout le reste.

Des opinions puissantes, un vaste échafaudage politique ou religieux a souvent été produit par une idée sans fondement, une rêverie, un vain fantôme,

  1. Vers 991 et suiv.