Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/89

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FORMATION DES LANGUES.


Sons, accents, organes naturels… les mots… rapides Protées, ils revêtent la teinture de tous nos sentiments. Ils dissèquent et étalent toutes les moindres de nos pensées, comme un prisme fait les couleurs.

Les grammairiens, hommes dont les travaux sont très-utiles lorsqu’ils se bornent à expliquer les lois du langage et qu’ils n’ont pas la prétention de les fixer.

La langue française a peur de la poésie, et la poésie a peur de la langue anglaise.


LES CAUSES.


Tout accident naturel dont la cause était inconnue, un ouragan, une inondation, une éruption de volcan, une tempête étaient des prodiges regardés comme une vengeance céleste… et les vices de ces anarchies primitives étaient un préjugé assez raisonnable en faveur de cette opinion qui peut, d’ailleurs, être alléguée en preuve de la conscience.

En poursuivant dans toutes les actions humaines les causes que j’ai assignées à ces actions, souvent je perds le fil ; mais je le retrouve.


Ainsi, dans les sentiers d’une forêt naissante,
A grands cris élancée, une meute pressante,
Aux vestiges connus dans les zéphyrs errants.
D’un agile chevreuil suit les pas odorants.
L’animal, pour tromper leur course suspendue,
Bondit, s’écarte, fuit ; et la trace est perdue.
Furieux, de ses pas cachés dans ces déserts,
Leur narine inquiète interroge les airs,