Page:Chénier - Poésies choisies, ed. Derocquigny, 1907.djvu/69

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L’entraîne, et sur l’autel prenant le fer vengeur :
« Sois belle maintenant, et plais à mon vainqueur. »
Elle frappe, et sa haine, à la flamme lustrale,
Rit de voir palpiter le cœur de sa rivale.


IX

PANNYCHIS

Plusieurs jeunes filles entourent un petit enfant… le caressent… — On dit que tu as fait une chanson pour Pannychis, ta cousine ?

Oui, je l’aime, Pannychis… elle est belle. Elle a cinq ans comme moi… Nous avons arrondi en berceau ces buissons de roses… Nous nous promenons sous cet ombrage… On ne peut y nous y troubler, car il est trop bas pour qu’on y puisse entrer. Je lui ai donné une statue de Vénus que mon père m’a faite avec du buis. Elle l’appelle sa fille, elle la couche sur des feuilles de rose dans une écorce de grenade… Tous les amants font toujours des chansons pour leur bergère… Et moi aussi, j’en ai fait une pour elle…

Eh bien, chante-nous ta chanson et nous te donnerons des raisins et des figues mielleuses…

Donnez-les-moi d’abord et puis je vais chanter… Il tend ses deux mains… on lui donne… et puis, d’une voix claire et douce, il se met à chanter :

 
« Ma belle Pannychis, il faut bien que tu m’aimes ;
Nous avons même toit, nos âges sont les mêmes.
Vois comme je suis grand, vois comme je suis beau.
Hier je me suis mis auprès de mon chevreau ;
Par Pollux et Minerve ! il ne pouvait qu’à peine
Faire arriver sa tête au niveau de la mienne.
D’une coque de noix j’ai fait un abri sûr
Pour un beau scarabée étincelant d’azur ;
Il couche sur la laine, et je te le destine.
Ce matin, j’ai trouvé parmi l’algue marine
Une vaste coquille aux brillantes couleurs ;
Nous l’emplirons de terre, il y viendra des fleurs.