Page:Chair molle.djvu/115

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un sûr garant de la bienveillance divine. Elle serait sauvée, siégerait à la droite de Marie, parmi les anges, et jouirait du bonheur céleste. Cette marque de la bonté suprême n’avait rien, d’ailleurs, qui dut la surprendre. Elle avait tant prié. Et puis, au 7 même, elle avait toujours eu un grand respect pour la religion : elle était seule à ne pas se moquer de la dévote Émilia ; elle avait suivi plusieurs fois ses pieux conseils. Elle commencerait une neuvaine pour cette véritable amie, — dès demain, — car maintenant elle ne pouvait plus ; cette apparition l’avait bouleversée, fatiguée, ses genoux lui faisaient mal. Et faire de nouvelles oraisons, à présent, serait abuser de la mansuétude infinie.

« Mon Dieu, je viens vous offrir mon travail et mes peines… » Lucie Thirache fut frappée de cette invocation. C’était sans doute sa grande application au travail qui lui avait obtenu la protection divine. Du reste aujourd’hui encore, elle se coucherait tard ; huit mailles, au moins, étaient échappées à son bas, et son pantalon s’était décousu ; elle sentait le bord rude de la toile lui couper la peau. Elle avait encore faufilé cinq chemises ; la dame patronnesse l’avait félicitée, lui avait même promis l’établir un jour, si elle continuait à se bien conduire. Cette dévote personne avait fermé son livre et, les mains sur sa face voilée, elle poussait de petits soupirs, par intermittences. Le