Page:Chair molle.djvu/131

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décidée : elle allait faire ses débuts. Et une appréhension croissante la poignait de cet événement prochain si grave, solennel. On allait rire d’elle, bien sûr. Elle serait gauche ; la voix peut-être lui manquerait. Puis la méchante vie qu’elle avait prise là, et sans réfléchir, oublieuse des tranquilles joies ! Elle éprouva un instant le furieux dessein de se sauver, de lâcher tout, ce beuglant, ce public sans doute moqueur, cette ville, de retourner à Douai pour demander pardon.

Le pianiste plaqua des accords. Dosia revint prendre place sur sa chaise et égaya son amie d’un regard railleur pour la femme maigre qui accourait dans une robe de soie rose très bouillonnée.

Le silence se lit sous les « chut » prolongés du patron, qui promenait parmi les bancs, sa mine sévère.

Dosia s’était levée. De quelques tapes, elle remit en ordre les plissés de son costume, et, se penchant vers le public, elle commença :

Faut pas pousser des holà,
Je m’appelle
Mad’moiselle,
Je m’appelle Mamzelle Nana
De Zola.

Elle montrait du doigt son corsage rebondi,