Page:Chair molle.djvu/134

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ti, ch’est ben ti. Oh ! elle ravise cor ; comme elle t’a cher.

Lucie Thirache riait encore lorsqu’elle dut se lever pour chanter. Elle se remit très vite, et, tout d’un trait, avec une grande dépense de gestes et d’inflexions malicieuses, elle débita une scie dont les couplets, arrêtés brusquement au milieu d’une phrase, se terminaient par l’imitation d’une roucoulade de mirliton :

J’ai vu à l’Exposition
Des sommiers fil d’Écosse,
C’est solide, j’dis pas non,
Mais j’crois qu’pour une nuit d’noces…

Et le mirliton reprenait. Après avoir hurlé cinq couplets accompagnés de clins d’œil provoquants, elle fit mine de descendre pour la quête, mais le public, dans un délire, se récria : « Bis, bis. » Ces bis se prolongeaient, étaient unanimes, couraient de bouche en bouche. Par instants le bruit s’apaisait puis, près la porte, une voix relançait le monosyllabe approbateur, qui, de nouveau, se répandait, frénétique.

Bronier, le pianiste, félicitait Lucie avec un enthousiasme galant :

— Allons, ange de mon âme, recommençons pour l’amusement des enfants, la tranquillité des parents. En voilà un riche début !