Lucie remonta sur la scène, chanta au milieu d’un silence flatteur :
J’vois un monsieur là-bas
Qui boit sa chop’ de bière,
Sa femm’, pendant c’temps-la,
Est pt’être en train d’le faire…
Et quand le son du mirliton reprit, tous les rires s’exhalèrent vers le gars à face aplatie, que Lucie, en chantant, avait désigné du doigt. Il devint bleu, puis très pâle, dut enfin s’en aller malgré les instances de ses camarades, qui lui criaient :
— Hé reste donc, hé sot. Tu vois pas qu’ch’est pour rigoler un mollet.
Les rires recommencèrent. Ce fut un affolement, un succès énorme. Jamais Nina n’avait été si heureuse, ni si fière d’elle-même. Étonnée d’abord d’avoir si bien pris les allures de son nouveau métier, elle crut enfin que son temps d’épreuves avait cessé : elle s’avoua qu’elle avait un tempérament d’artiste. Et, tout en faisant danser les sous dans son plateau, devant les consommateurs, elle songeait aux belles destinées que ce jour lui devait ouvrir, se voyait déjà cantatrice à Paris avec des princes pour amants.
À huit heures, Lucie ayant dîné, revint au café pour le concert du soir. Portant, enfilé au coude, un paquet de hardes ; elle entra avec