Page:Chair molle.djvu/138

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Oh ! ni madame Bronier, alors, avec sa robe de bal en soie grise, de longues mitaines sur les bras, un air de vieille bégueule tout à fait. Et comme ses os saillaient, semblaient craquer, malgré le soin qu’elle avait eu de s’élargir dans une ample jupe à paniers.

Les trois femmes achevaient leur toilette, lorsqu’un sonnement les appela. Elles revinrent au café. Elles montèrent sur l’estrade. Un regard jeté à la glace, un dernier arrangement donné à la ceinture, et toutes trois s’assirent, tournées vers le public. De nouveau, Bronier, avec un rythme enragé, entama la Mascotte.

Les refrains étaient lancés, à voix forcée, par les chanteuses qui voulaient être entendues quand même, malgré la musique du bal installé dans le jardin, malgré les interruptions fréquentes des clients pressés de se voir servir, malgré les continuelles entrées des sous-officiers en grande tenue, traînant leurs sabres. La chanson finie, c’est un remuement de chaises, un passage frayé à la hâte pour la quêteuse, un glissement sourd de bottes sur le plancher. Lucie passe en fredonnant, traverse les nues de fumée, attire les convoitises des mâles, en mettant sous leur nez ses bras parfumés de veloutine. Pour tous, elle a un sourire aimable et, d’un gracieux merci, elle montre ses dents blanches lorsqu’un décime tombe dans le plateau.