Page:Chair molle.djvu/156

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taient, leurs cuivres sous le bras, enroulant des foulards autour de leur cou, elle empoignait nerveusement le bras de Charles, l’entraînait par les routes jusqu’à la ville, dans une fièvre.

C’est que Lucie, sous l’influence d’une vie nouvelle, était envahie lentement d’étranges désirs encore inéprouvés. D’abord, pour s’attacher l’amant, elle avait rappelé tous les souvenirs lascifs du 7. Elle avait cherché à provoquer les transports de l’officier, en simulant elle-même de pareils transports. Comme autrefois, elle prenait des poses alanguies, elle regardait l’homme amoureusement dans les yeux ; et, pour lui être plus agréable, elle s’ingéniait à feindre des spasmes éperdus, qu’elle aurait voulu ressentir vraiment. Mais peu à peu, cette feinte de la jouissance lui avait donné comme un besoin réel ; sa chair, longtemps soumise aux tempérances, s’était pour la première fois éveillée sous le brusque retour de pratiques érotiques. Auparavant, elle n’avait connu de l’amour que la joie de se sentir caressée, adorée, étreinte ardemment ; elle avait ignoré toujours l’évanouissement suprême, et, maintenant, ces ivresses la prenaient enfin.

Il lui semblait naître à un monde inconnu d’ineffables plaisirs.

Bientôt la hantise de ces joies, l’attente du moment exquis devinrent ses uniques préoccupations. Elle ne pensait plus qu’à l’amour, saisie