Page:Chair molle.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La chambre était très claire, avec des rideaux jaunes, une tapisserie presque blanche.

— C’est ici que vous demeurerez. Est-ce que cette pièce vous va ?

— Mais oui, Madame, bouda Lucie, certaine que si tout cela lui eût déplu, on n’y eût rien changé.

— Celle qui était ici, avant vous, c’était une Boulonnaise, elle nous a quittés, dans un coup de tête, et vit maintenant avec un commis-voyageur qui la bat. Tenez, voici ce qu’elle a laissé.

La patronne s’avança vers la cheminée et montra une poupée en costume de matelote, empalée sous les jupons par un pied de bois. Comme Lucie se taisait, sans un apitoiement pour les calamités d’autrui, Madame continua :

— Si ça ne vous fait rien, on vous appellera Nina, comme la Boulonnaise, parce qu’il y en a déjà une qui s’appelle Lucie ; alors vous comprenez…

— Oui, oui, madame.

Sans doute, la Donard avait l’habitude d’essuyer de pareilles humeurs, car elle reprit, avec une assurance qui agaça :

— Ma chère Nina, je crois que vous serez contente de la maison ; Marianne ne reçoit que des gens très convenables… À propos, a-t-elle monté votre valise ? Ah oui, la voici… Avec votre jolie tournure, vous ne serez pas longtemps sans