Page:Chair molle.djvu/21

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amasser une petite fortune. Alors, il vous sera facile de devenir propriétaire des effets qu’a laissés l’autre, et que je vous céderai pour un prix convenable. Nous prendrons cela peu à peu, sur vos gains.

Ceci dit, Madame, avec un empressement satisfait, ouvrit l’armoire à glace, exposa sur le lit tout un chatoiement d’étoffes voyantes et soyeuses, dont elle énuméra les qualités.

— Maintenant je vous quitte, vous allez choisir parmi ces costumes et, quand le timbre sonnera, vous descendrez. Marianne vous conduira. Au revoir Nina.

— Au revoir, Madame.

Cette mielleuse prolixité laissa Lucie Thirache froide, chagrinée, honteuse d’elle-même. On lui imposait un nom, une livrée ; on l’accommoderait, on la ficellerait au goût des pratiques, comme une chose sans volonté. Désormais son devoir était plaire, plaire à tous, sans répit.

Elle voulut s’assurer si elle parviendrait sans trop d’efforts à s’acquitter de cette tâche. L’armoire à glace était placée entre les deux fenêtres, la fille s’y étudia longuement.

Des cheveux châtains, frisés très bas sur le front, ramenés en touffes épaisses devant les oreilles, où pendent de grands anneaux d’argent ; en ce cadre, une figure aux joues pleines toutes blanchies de veloutine, des lèvres courtes et