Page:Chair molle.djvu/31

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— Avec ça, regardez donc dans le bas, c’est tout décousu.

— Attends, je vais te l’arranger ; j’ai toujours eu des dispositions pour être couturière.

Il s’agenouilla et se mit à lisser les dentelles en exagérant une mimique burlesque. Éjouie malgré elle de cette plaisanterie, Lucie frappa l’homme sur le crâne à coups d’éventail.

Une grande sympathie venait à la fille pour celui qui l’adulait. Il n’était pas mal du tout : un grand garçon bien bâti, avec des cheveux blonds coupés ras sur une peau blanche, des yeux bleus, une barbe frisée, jugée très fine quand il l’avait embrassée.

Elle eut un mouvement de dépit lorsqu’il s’en fut demander à une autre femme, « sa chère Laurence, » de chanter au piano.

On fit cercle autour de l’instrument, et Lucie abandonnée, fut envahie d’une navrance découragée. Ses prévisions ne l’avaient pas trompée ; ils étaient bien répugnants ces hommes avec leurs sales désirs, qu’ils ne cachaient pas ; jamais elle ne pourrait coucher avec eux. Un seul avait semblé avoir pour elle une délicate compassion ; et il la laissait là, sans un égard. Certes, elle ne resterait pas dans cette maison ; à la première occasion elle s’échapperait… Tout à l’heure, en descendant, elle était fermement résolue ; mais la grille, devant laquelle veillait