Page:Chair molle.djvu/34

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piano. C’est une Anglaise, alors elle parle drôle, c’est épatant ! Alors c’est pas facile de la comprendre. Et puis, figure toi, elle s’appelait Lucie, et puis on lui disait toujours : Lucie quelle scie ! Alors elle a changé de nom, et puis elle se met en rage quand on ne l’appelle pas Germaine.

— Et l’autre qui embrasse le petit, là-bas ?

— Ça c’est Emilia, une calotine. Elle dit des prières, tout le temps. Alors je sais pas ce qu’elle est venu faire ici. Elle aurait mieux fait de rester au couvent, bien sûr. C’est épatant hein ? Figure toi qu’elle ne veut jamais mettre de robes courtes, ni de maillots ; elle a toujours des robes longues ; c’est une manie, vous pensez, tout comme Laurence.

— Celle qui chante ? Elle a l’air chic !

— Une femme mariée. Oui — qui a fait la queue à son mari ; alors il l’a fait mettre en prison et puis après, elle est venue ici… Laurence, chante un peu la Mascotte ! Vous allez voir comme elle chante bien. Laurence, Laurence ! Bon, voilà qu’ils l’embrassent tous, elle n’entend pas.

Lucie Thirache, attentive aux indications, détaillait curieusement les costumes, les manières des autres filles. Emilia paraissait une sotte l’esprit toujours ailleurs. Germaine semblait souffrir de ne pouvoir achever ses phrases, que par un geste d’impatience. D’aucune, Lucie ne voyait les traits cachés sous le fard. S’étant