Page:Chair molle.djvu/70

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d’une perpétuelle oisiveté, d’une torpeur alanguissante, où elle s’abandonnerait délicieusement, enfoncée dans les grandes herbes.

À un appel de la patronne, elle dut se lever, rejoindre Emilia et Laurence qui s’avançaient en riant vers le jardinier. L’homme était assis sur la tête d’un saule et, muni d’un sécateur, il abattait les branches. Les femmes s’amusaient à entendre la mastication de l’instrument, à voir tomber les gaules, avec des froissements. Laurence, la première, adressa la parole à l’ouvrier.

— Vous aviez l’air joliment chaud, tout à l’heure, quand nous courions là-bas ?

— Ah ! dame, je ne ravise pas toudis des bellées gambes comme nô.

Ce patois les réjouit énormément ; Elles s’amusèrent à faire causer le paysan. Bientôt, il descendit de son arbre et devint entreprenant. Il avait empoigné Emilia par la taille et voulait l’embrasser. À cette démonstration, les femmes se fâchèrent subitement, lui commandèrent de se tenir tranquille. Elles étaient vexées de se voir traiter ainsi par un homme de rien. Leur dignité se révolta : Avait-on jamais vu un pareil pignouf qui prenait des manières !

Un instant le jardinier resta ahuri, puis il cria avec une colère :

— Bah ! bah ! faut pas faire les bégueules,