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Page:Challamel - Souvenirs d’un hugolâtre.djvu/295

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conséquent, faire ressortir l’excellence de sa clinique. Sa voix forte effrayait parfois les internes, les externes, les sœurs et les infirmiers.

Au fond, il paraissait plus terrible qu’il ne l’était en réalité ; et quand j’allais trouver Lisfranc à l’hôpital pour lui demander s’il viendrait chasser, tel ou tel dimanche, souvent on me disait : « Il est sévère, il a de la brusquerie ; mais il est juste, et il s’intéresse aux malades. »

Car Lisfranc avait la passion de la chasse, passion malheureuse. Il était aussi maladroit chasseur qu’opérateur plein de dextérité, et des bois de Chelles, où nous allions, il revint souvent bredouille, à son grand désespoir.

Mon beau-frère — une lame en fait de chasse — glissait quelque pièce de gibier dans le carnier du chirurgien, qui ne refusait pas cette marque de bonne confraternité. Dans les bois, quand il grondait son chien, la voix de Stentor que possédait Lisfranc éclatait comme une détonation d’arme à feu. Quelles colères aussi, quand l’animal n’obéissait pas ! Le pauvre chien passait toujours pour coupable, lorsque le coup de feu du docteur restait improductif.

Les jours de chasse, Lisfranc faisait sa visite de très grand matin : il s’était levé dès l’aurore, comme le « chasseur de Robin des Bois », il était diligent au possible.