Page:Challamel - Souvenirs d’un hugolâtre.djvu/338

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un moyen, usé depuis, de forcer pour ainsi dire les cabinets de lecture et les libraires à acheter les livres nouveaux. Dix, vingt, trente amis d’un auteur s’en allaient à travers Paris, en demandant à qui de droit : « Donnez-moi tel ouvrage. » — « Je ne l’ai pas », était-il répondu. « Comment ! vous n’avez pas cela ?… c’est incroyable ! »

Ils prolongeaient cette scie pendant plusieurs jours.

Dans le but de répandre la Presse, les amis du fondateur visitèrent les cafés, outre les cabinets de lecture. De tous côtés, ils réclamèrent la nouvelle feuille quotidienne ; et ils réussirent dans une certaine mesure, à un tel point que leur manège fut imité, jusqu’au jour où le moyen n’eut plus aucune efficacité.

Armand Carrel, rédacteur en chef du National, engagea alors avec Émile de Girardin une querelle sans importance, convenons-en, querelle suivie d’une rencontre fatale, qui eut lieu à Saint-Mandé. Armand Carrel fut tué par son adversaire.

Ce douloureux événement exaspéra les républicains, causa une vive émotion parmi les « hommes d’ordre ». Ceux-ci déploraient la fin d’un écrivain honnête et sincère, capable de refréner les bouillants du parti démocratique ;