Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/159

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ignoble contre la nature humaine » sont la seule chose qui importe. Au soir de sa vie, Wagner fait de fréquentes allusions au socialisme ; le mouvement socialiste lui semble « respectable, pour de fortes raisons intérieures » ; déjà auparavant, il avait reconnu « l’impulsion naturelle, non sans profondeur ni noblesse « qui est au fond » de ce mouvement. Mais il suffit, pour définir nettement son attitude vis-à-vis du socialisme, de citer ces paroles : « Toute révolution politique est, d’ailleurs, devenue impossible. En politique, quel est celui dont les yeux ne sont pas déjà largement ouverts ? Chacun connaît les honteuses tares de notre échafaudage politique ; ce n’est que le fait qui dissimule la question sociale, qui donne à tous le courage fait de lâcheté qu’il faut pour endurer plus longtemps. Il n’y a pas d’autre mouvement possible qu’un mouvement exclusivement social, mais il se produira dans un tout autre sens que nos socialistes ne se l’imaginent[1]. »

Aujourd’hui, après cinquante ans, le monde entier reconnaît qu’un mouvement « exclusivement social » doit se produire et se produit en effet, mais aussi en un tout autre sens que nos socialistes ne se l’imaginaient.

Tâchons de nous représenter clairement quelle fut, vis-à-vis de ce mouvement, l’attitude de Wagner.

« Ma destinée est d’apporter avec moi, partout, la révolution ! » ce fut bien sa devise durant toute sa vie. Et si on veut voir en Wagner un révolutionnaire, il n’y a rien à y objecter, avec cette réserve que, même dans sa période la plus orageuse, il n’a jamais cru à la révolution politique. Il n’a cru que pendant un temps très court, quelques semaines peut-être, en 1848, à la

  1. Lettre inédite, 1850.