Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/165

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aux princes comme un révolutionnaire ». Et le même phénomène dure encore ; c’est le sort de Wagner d’être toujours méconnu ; on ne saurait attendre un jugement équitable, élevé, et vraiment digne de l’homme qu’il était, tant que ses écrits et ses doctrines ne seront pas sortis du petit cercle des critiques au cœur étroit et des hommes de lettres, pour devenir partie intégrante de l’héritage intellectuel des plus nobles esprits. Alors, mais alors seulement, on admettra partout que la « politique » de Wagner n’était que l’avenue qui menait à sa doctrine de la régénération.

Nous avons déjà vu que Wagner admettait, comme tout homme de bon sens, la valeur indispensable de la politique. Mais il était convaincu que sa sphère d’influence est des plus restreintes et qu’en particulier la force créatrice lui fait entièrement défaut. C’est pourquoi il ne croyait pas que la politique pût jamais, que ce fût par le laisser-faire ou par la contrainte, se rendre maîtresse de « ce mouvement distinctement social », dont son regard prophétique discernait déjà la présence, alors que les Metternich et les Beust ne voyaient autour d’eux que la paix et la tranquillité, troublées, seulement, par quelques méchants personnages, qu’on n’avait qu’à enfermer ou à fusiller. Wagner saluait dans ce mouvement la fin prochaine de la grande « révolution humaine », c’est-à-dire la condamnation imminente de « l’État de nécessité », comme de la politique en général ; Son cœur d’artiste s’en réjouissait, car il croyait l’art « impossible dans sa vérité, aussi longtemps que subsisterait la politique ». Ne perdant jamais de vue l’élément spécifique allemand, il voyait dans cette naissante « fin de la politique » une circonstance très favorable au