Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/217

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mystique, et c’est pourquoi, précisément, ces trois mondes se reflètent avec une netteté si exceptionnelle dans la conscience du génie artistique. Que si l’artiste, toutefois, veut exposer ce que son œil contemple dans une unité idéale, non plus dans l’œuvre d’art, mais bien, comme ce fut le cas chez Wagner pour la doctrine de la régénération, dans une exposition raisonnée, alors, il se voit forcé de présenter trois séries différentes de thèses, sans se soucier beaucoup de leur concordance, puisque sa propre personnalité lui révèle à lui-même leur unité, et que, dans l’œuvre d’art, il a le pouvoir de la révéler à d’autres par voie immédiate. Mais je l’ai dit, et on le comprend après ce que je viens d’exposer, on se heurte à de grandes difficultés dès qu’on veut ramener le système de Wagner à une forme condensée, facile à embrasser d’un coup d’œil : pour le concevoir, en quelque mesure, dans son ensemble, il y faut une condition essentielle, l’impression déterminante de ces œuvres d’art qui, pour me servir d’une comparaison scientifique, donnent à tout notre être une « faculté vibratoire » intensifiée, et font de nous des « conducteurs » dociles, pour des combinaisons complexes de pensées, qui, sans cela, n’eussent éveillé en nous aucune compréhension sympathique. Ce n’est pas Wagner seul, c’est tout génie artistique qui se trouve dans le même cas ; Gœthe aussi nous apparaîtrait comme un caméléon, ou plutôt comme un vivant caleïdoscope, si sa puissante individualité ne se dressait devant nous, et ne se manifestait, dans l’œuvre d’art, en sa vivante harmonie. Il ne faut point perdre cela de vue, pour se faire une impression d’ensemble correcte, quand on examine successivement et séparément, les trois points de vue matériel, métaphysique et religieux.