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pour réaliser pleinement leur idéal d’art. Et c’est ce qu’ont senti, de leur côté, les poètes, Wieland, Schiller, Gœthe, Lessing, Herder, Kleist, Hoffmann, et tant d’autres qui pourraient être considérés, eux aussi, comme les précurseurs du drame wagnérien.

Wagner n’est donc pas un génie isolé. Il est le dernier fruit du génie de sa race ; et la forme d’art qu’il a instituée, résumé des aspirations séculaires des poètes et des musiciens allemands, cette forme ne doit pas s’appeler le drame wagnérien. Son nom véritable est : le drame allemand.

On parle couramment du drame grec, du drame anglais, de la tragédie française, du drame espagnol ; et ces noms n’expriment pas seulement la nationalité des auteurs, mais un genre spécial, une forme déterminée du drame. Désormais, on pourra, dans le même sens, parler du drame allemand. Et ce drame sera celui dont Wagner nous a indiqué les règles, et fait pressentir la beauté, le drame poético-musical, purement humain.

Nous verrons, dans les chapitres suivants, comment ce drame allemand s’est graduellement dégagé des langes où l’emprisonnait l’opéra étranger, et comment il a mûri, dans le développement d’une brève existence humaine, jusqu’au splendide épanouissement d’une vigueur sûre d’elle-même.