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TROISIÈME PARTIE

LES ŒUVRES D’ART


Ce n’est pas sans un certain sentiment d’ironie qu’à la fin du chapitre précédent j’ai posé la question de savoir si nous pouvions considérer les œuvres de Wagner comme des exemples définitifs du drame parfait, voulu et enseigné par lui, car pareil paradoxe fait toucher au doigt combien vaines et oiseuses sont les systématisations critiques et les estimations comparatives, sitôt qu’on se trouve en présence d’un chef-d’œuvre vivant. Shakespeare marque-t-il un progrès sur Sophocle ? Wagner, peut-être, sur Shakespeare ? Qui ne sent que de telles enquêtes n’ont ni sens ni valeur ? Les grands artistes, les vrais génies de l’humanité, se tendent la main par-dessus les siècles, et ne forment qu’une seule famille, car l’essence même du génie consiste en ceci qu’à une sensibilité absolument extraordinaire vient se joindre la maîtrise souveraine dans l’emploi des moyens ; de ce double don naissent des œuvres qu’il faut dire « parfaites », non parce qu’elles approchent d’un « beau absolu » de pure théorie, mais parce qu’il y a, en elles, harmonie parfaite entre le but et l’œuvre, entre l’émotion et l’expression. Comme Schopenhauer l’a si bien dit de l’art vraiment génial : « Partout il touche le but. » Et il n’importe guère qu’avec Carlyle nous reconnais-