Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/298

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à la légende de Tannhœuser qui lui donna la première idée de son drame ; or, dans la collection des Volksbuecher, il n’existe point de livre sur Tannhœuser ! Il ajoute : « Mais ce qui m’attira irrésistiblement, ce fut la « connexité, pour éloignée qu’elle fût, que je trouvai entre le Tannhäuser et la Guerre des Chanteurs sur le Wartburg » ; et nulle part, disent les spécialistes, on ne trouve semblable rapprochement ; donc ce trait, si décisif pour la conception que Wagner se fit du Tannhäuser, serait la propre et libre création du maître lui-même. Je ne mentionne cela qu’en passant, pour montrer, par un exemple topique, le peu d’importance qu’ont au fond ces « recherches des sources ». La vraie source de l’œuvre d’art, c’est le cœur de l’artiste ; et les germanistes et les mythologues agiront, certes, sagement, en profitant de ce que Wagner peut leur enseigner ; mais qu’on ne se figure pas que les œuvres d’art aient besoin d’une exégèse scientifique quelconque, ni pour expliquer leur genèse ni pour produire leur plein effet !

Avant même qu’eussent commencé les répétitions de Rienzi, Wagner termina, dans l’été de 1842, le premier projet de son Tannhäuser. Voilà encore un fait intéressant, et qui prouve combien c’était intérieurement que le développement de l’artiste se poursuivait. Nous voyons par là que non seulement Wagner avait parachevé ses quatre premières œuvres scéniques, chacune d’une individualité si grande et si accentuée, toutes se faisant réciproquement contraste, mais encore qu’il avait rédigé le projet complet d’une cinquième, le Tannhäuser, avant de s’être vu représenter et d’avoir ainsi pu « vivre » ne fût-ce que l’une de ses propres œuvres, extérieurement du moins ! Donc, toute l’activité artistique de cette première moitié de sa vie, ce rap-