Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/319

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cette perfection doive se manifester surtout dans la composition musicale. Wagner est peut-être le seul qui puisse être mentionné comme un esprit apparenté à Sébastien Bach, parce que, chez ces deux hommes, on rencontre la même fabuleuse audace, poussée jusqu’à la rudesse, dans l’emploi de l’expression musicale, et en même temps un fini technique, se montrant dans les moindres détails, dans ceux le moins importants en apparence, si bien que leurs partitions nous font plutôt l’effet de merveilles de la nature, que de productions du cerveau humain. On a presque l’illusion que l’élément de la volonté personnelle en est absolument absent.

Donc, au point de vue purement biographique, on peut considérer Tannhäuser et Lohengrin comme les œuvres où la «nouvelle direction», prise avec le Vaisseau Fantôme, la direction dans le sens du « drame élargi », s’est affirmée dans l’expression poétique et musicale jusqu’à son haut point de développement. Ici, comme pour les Fées, le musicien devançait quelque peu le poète. Dans le chapitre suivant, je montrerai comment ce ne fut qu’après avoir terminé son Lohengrin que le maître fut, enfin, entièrement fixé sur le choix et le traitement des sujets poétiques dans le drame musical. Ce dernier pas du poète vers la création consciente d’une forme dramatique nouvelle, il ne pût le franchir qu’après que le musicien eût conquis la maîtrise définitive : c’est Lohengrin qui la lui donna.