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II

LES QUATRE GRANDS PROJETS


En août 1847, le maître a terminé Lohengrin. Même alors, il n’a point encore conscience de s’être séparé de la forme vieillie de l’opéra et d’avoir créé une forme nouvelle du drame. C’est pendant la composition du troisième acte qu’il écrit à un ami : « Mes travaux présents et à venir n’ont d’autre but que de chercher si l’opéra est vraiment un genre possible. » Et, pourtant, cette phrase le montre, le doute avait déjà germé en lui, et les derniers mots de cette phrase ne sauraient s’interpréter qu’en ces termes plus précis : « Si l’œuvre que je rêve et à laquelle je tends, est possible dans les limites du cadre de l’opéra. » Et Lohengrin, une fois terminé, paraît l’avoir grandement confirmé dans le doute ; car c’est d’alors que date une période de transition qui s’étend sur plusieurs années. Non que l’énergie créatrice sommeille ; au contraire, plus que jamais, elle presse Wagner ; mais sa manière de se manifester, comme si elle eût jeté la sonde dans toutes les directions, témoigne d’une fermentation intérieure extraordinaire. « Avec Lohengrin, le vieux monde de l’opéra s’écroule ; l’esprit flotte sur les eaux, et la lumière est enfin ! » Voilà ce que disait Liszt en 1858 ; oui, la lumière s’était faite, et ses rayons ne pouvaient échapper à un esprit doué d’une vue aussi claire que l’était celui de Liszt ; mais ce qu’il faut reconnaître, c’est que le jour n’avait pas éclaté tout d’un coup. Jusqu’à ce