Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/332

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de mémoires personnels, je bornerai ma tâche, dans les considérations, forcément trop courtes, qui vont suivre, à attirer l’attention du lecteur, non pas tant sur la surface ondoyante et bigarrée que présentent les vicissitudes de la vie, que, bien plutôt, sur le centre intime et dramatique d’où a jailli la vie même de tant de chefs-d’œuvre. Il n’est pas douteux que c’est aussi là que se trouve le nœud vital de l’individualité de Richard Wagner.


I. — Les Maîtres Chanteurs Du Nuremberg


Dans l’été de 1845, aussitôt après avoir terminé la partition du Tannhäuser, Wagner conçut le premier projet des Maîtres Chanteurs de Nuremberg. Ses meilleurs amis pensaient qu’un « opéra d’un genre plus léger » lui préparerait de plus grands succès, et ce fut justement la Lutte des chanteurs sur la Wartburg qui lui inspira l’idée de ce « concours de chant » plein de gaîté. Mais la nécessité profonde, sans laquelle Wagner ne pouvait rien produire, restait encore muette, et la façon dont le sujet apparut à sa vision intérieure, lui répugna d’emblée ; au lieu des Maîtres Chanteurs, il créa Lohengrin. Ce fut seulement en 1861 que Wagner reprit son sujet.

Comment se fait-il donc qu’une matière rejetée par l’auteur de Tannhäuser fût reprise par celui de Tristan, avec tant d’enthousiasme, au milieu des soucis, des ennuis, et des misères de toute sorte, et modelé avec un soin qui en fait un chef-d’œuvre merveilleux ?