Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/360

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tômes du jour ». Frappé par le traître Melot, Tristan tombe, grièvement blessé, Tristan, « le fidèle entre les fidèles » ; une seconde fois le monde sépare ce que « Frau Minne » avait réuni. Cependant si séparés, si loin l’un de l’autre qu’ils puissent être, c’est à « Frau Minne que la vie et la mort sont soumises ». Ceux qu’elle a destinés l’un à l’autre, doivent s’appartenir, fût-ce même comme « êtres voués à la mort ». Déjà Tristan blessé « a entendu les portes de la mort retomber lourdement derrière lui » ; mais de ce sommeil de la mort « fait de terreur et de délices », il renaît à la lumière du jour.

À travers la mer, Iseult se hâte vers lui « pour mourir, fidèle, avec Tristan ». Mais, cette fois encore, elle le perd à l’instant même où elle croit le posséder enfin pour toujours, cette fois encore, un inexorable destin la prive de ce moment unique et dernier, de ce moment dont la plénitude contient des mondes, dans « sa rapidité faite d’éternité » !

Mais, désormais, le destin est accompli ; l’énamourée ne sera plus « rejetée au jour par la nuit, pour repaître » de ses souffrances « le regard du soleil » ; les assistants ne voient plus en Tristan qu’un cadavre, mais elle, elle voit son amant « ouvrir ses beaux yeux », elle le voit « s’élever, toujours plus haut, couronné d’étoiles ».

C’est à cette forme, la plus simple possible qu’est ramenée l’histoire de Tristan et Iseult, qui, jusqu’alors, nous était donnée dans de gros romans, bourrés d’aventures, et dans le poème en vingt mille vers de Godefroy de Strasbourg. Chez ce dernier, le seul prologue, ce qui précède le philtre d’amour, contient onze mille vers ; chez Wagner, soixante y suffisent ! On sait les intrigues et les aventures sans fin, qui se croisent dans toutes les versions de l’histoire de Tristan ; qu’on