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et noble cœur qu’il savait battre dans la poitrine de Roeckel, mais il renonça à s’en faire comprendre dans un sens plus profond. L’histoire de cette amitié résume brièvement, mais complètement, tout ce que Wagner et la révolution de 1848 purent avoir de commun.

Le maître ne descendit qu’une fois, une seule, dans l’arène politique. Le 14 juin 1848, à Dresde, il prononça un discours devant l’Association patriotique de cette ville. Il le fit aussi publier, sous ce titre : Comment concilier des tendances républicaines avec la royauté[1]. Ce discours démontre que, même alors, Wagner était autant le partisan résolu du principe monarchique que l’ennemi juré du constitutionalisme, et qu’il voyait le salut de son pays dans le rejet de toute « notion étrangère et anti-allemande », dans « l’émancipation de la royauté », qu’il voulait garantir contre les erreurs démocratiques, enfin, dans le rétablissement de l’antique lien germanique entre le prince, d’une part, et le peuple libre, de l’autre. « À la tête de l’État libre, le roi sera alors ce qu’il doit être dans sa signification la plus noble et la plus haute : le premier de son peuple, le plus libre des hommes libres ! Ne serait-ce pas là, en même temps, un exemple magnifique et essentiellement allemand du précepte du Christ : Que le premier d’entre vous se fasse le serviteur des autres ? Car c’est en servant la liberté de tous que le roi exalte la notion même de liberté, en devenant l’incarnation consciente de ce qu’elle a de plus élevé, de vraiment divin. » Ce discours ne pouvait plaire ni

  1. M. Glasenapp donne le texte complet du discours dans l’Appendice à son second volume. J’en ai moi-même publié une analyse détaillée dans un article des Bayreuther Blätter 1893, à la page 137. Le lecteur y trouvera des renseignements circonstanciés sur le discours de Wagner, sur sa portée et sur sa signification.