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Page:Chambon - Notes sur Prosper Mérimée, 1902.djvu/246

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220 NOTES SUR PROSPER MÉRIMÉE

dont je redoutais un peu l'effet ne m'ont pas fait de mal; je m'attendais à être excité vivement, à éprouver d'abord de l'agitation, de la fatigue, du malaise, peut-être à perdre du terrain au lieu d'en gagner; je m'y résignais disant : le bien viendra plus tard, ou, s'il ne vient pas, j'aurai du moins, fait mon devoir tout entier vis à vis des médecins et de la médecine. Rien de tout cela n'est arrivé. Les bains de mer m'ont glacé; j'ai souffert mille fois plus de l'eau froide que je n'avais souffert du feu et des caustiques appliqués sur mon éebine; mais somme toute, je suis ce que j'étais avant de quitter Paris. On me dit, pour m'encourager, que l'action favorable de cette médication nouvelle ne se fait guère sentir que plusieurs mois après qu'on a cessé ; c'est donc pendant l'hiver pro- chain que mon voyage à Dieppe me guérira. Je n'ai jamais tant admiré la médecine que depuis ma maladie. N'ayant point pratiqué sur le vivant, je supposais que mes confrères, si bornés, si bêtes en fait de théorie, avaient pour eux ce qu'on appelle l'expérience, un cer- tain jugement, un certain tact, un certain savoir faire, appris par l'habitude ou reçus en don de la nature ; j'allais jusqu'à donner tort à la science, fort inférieure sans doute, à la routine; pourquoi pas? une cuisinière qui fait de la chimie sans le savoir nous prépare d'excellents ragoûts, là où le plus savant chimiste nous empoisonnerait sans le vouloir. Maintenant, je méprise, encore plus l'expérience que la science, les prati- ciens que les théoriciens. Et, en effet, cela devait être ; les hommes sont partout les mêmes; on ne leur croit jamais quelque valeur, que quand on ne met pas le pied dans le laboratoire. Tout réfléchi, je fais donc mon temps