VOYAGES 35 5
quitterai Venise à la fin de la semaine et j'irai à Milan, Couro, Gênes, etc. Si rien de trop pressé ne me réclame à Paris, j'irai peut-être passer une semaine ou deux, à Florence avant de m'en retourner à Paris. Nous sommes venus ici par le chemin des écoliers. Nous avons fait des zigzags en Suisse et dans le Tyrol, et après avoir fait le tour des plus hautes montagnes, nous sommes arrivés à Vérone. Venise me plaît assez, non par les qualités que les faiseurs de voyage lui prêtent, mais par la qualité de l'air qui va à mes poumons. Les monuments sont beaucoup trop vantes, les tableaux aussi '. Ce qu'on ne saurait trop louer, c'est l'agrément de digérer en gondole, le soir, par un beau clair de lune, sur cette eau justement assez agitée pour vous empêcher de croire qu'on est dans un lit immobile.
« Je serai à Paris au mois d'octobre, peut-être, pour pas bien longtemps, mais je suis obligé d'y retourner de toute façon à cette époque. Si vous le désiriez, je tâche- rais alors de parler à M. de Lesseps et à M. Th. si je le rencontre quelque part. Le m al duc de Malakof se marie le mois prochain à M lle Sophie Paniega, une charmante espagnole que M e de M. avait amenée à Paris. Elle a 29 ans et est remarquablement belle, et bonne à l'avenant 2 .
1. Deux ans avant, il avait déjà fait part à Grasset de ses désillusions. « Je n'ai pas été charmé de Venise à la première vue, comme je l'ai été de Florence et d'autres villes d'Italie. L'architecture de Venise est décidé- ment barbare ce sont des négociants qui ont fait bâtir, et non des artistes comme à Florence. Tout est pour la décoration, et rien par amour de l'art. Ce n'est qu'après quelques jours passés à prendre l'habitude des gondoles et de la vie de la place S 1 Marc, que Venise a commencé à me plaire et je l'ai quittée avec douleur, C'est la ville des oisifs parmi lesquels je prétends au grade de général... » (Lettre inédite ù Grasset, du 31 août I1856J.
2. Cf. Mémoires .le Vielcastel, IV, 268.
