Page:Chambre d'assemblée du Bas-Canada, vendredi, 21 février 1834.djvu/50

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état de la province.

avec lui que le pays est dans une situation déplorable. Mais il nous en attribue la cause. Il est singulier que depuis quelques années les yeux de l’hon. M. se soient fermés, ou que, s’il voit encore, ce soit avec d’autres lunettes. Où fonde-il son espoir ? dans les dépêches de 1831. Vraiment, Mr. Pr. c’est prêcher encore la venue du Messie. De bonne foi se persuade-t-il que les promesses de Lord Goderich se réaliseront ? Depuis trois ans, loin qu’on ait apporté des remèdes à nos maux, ils se sont de beaucoup augmentés. Y a-t-il rien de plus alarmant que de voir un secrétaire colonial nous dénier nos privilèges, et prétendre nous dicter nos votes de subsides ? On veut donc ne nous laisser qu’un squelette hideux de constitution. Comment expliquer ce changement dans les principes de M. Stanley ? Je respecte son rang et ses talens, mais je ne puis attribuer cette manifeste contradiction qu’à sa jeunesse. Il nous reproche de vouloir attaquer l’existence d’une des branches de la législature. Mais quel espoir peut-on mettre dans un corps, qui tous les jours devient plus mal constitué ? On y fait entrer des étrangers, qui ne sont pas même sujets britanniques. Il est clair qu’on voudrait se jouer de cette chambre, qu’on voudrait la paralyser. Toutefois nous sommes une des parties intégrantes de la constitution, et il ne sera probablement pas facile de nous écraser. C’est le peuple entier qui nous a délégués ici, et nous verrons s’il le fera encore. Je suis bien aise que cette question vienne à la fin d’un Parlement, afin qu’en sortant d’ici nous soyons jugés par nos constituans. En finissant je rappellerai aux membres, qui reconnaissent tout le vice qui règne dans la constitution du conseil, qu’il est de leur devoir de se débarrasser d’un corps nuisible au bien-être du pays. Il y aurait lâcheté à ne le pas faire. Le seul moyen de réforme est le système électif, si l’on veut avoir un corps intermédiaire, qui sympathise également avec l’exécutif et le peuple. Mais, dira-t-on, ce sera une nouvelle chambre ; c’est donc un autre exécutif, quand il est nommé par le gouverneur. Entre ces deux alternatives, y a-t-il du doute sur le choix qu’il faut faire ?

Mr. Lafontaine. Dans une question si importante et si difficile, je n’aurais pas osé élever la voix après les discours profonds et lumineux qui nous ont été donnés, si les discours de MM. Gugy et Neilson n’étaient de nature à laisser de mauvaises impressions, et à avoir de mauvais effets. Je l’avouerai, j’ai écouté M. Gugy tantôt avec plaisir, et tantôt avec chagrin. La foule d’anecdotes et de plaisanteries, dont il a semé ses discours, me force de le comparer à ces gazettiers, qui, recevant indifféremment toutes les nouvelles qu’on leur rapporte, sans en examiner ni la source ni la vraisemblance, les débitent pour ce qu’elles sont. Hier la nouvelle était à la guerre : il ne voyait partout que sang, que boulets, que carnage et que mort. Aujourd’hui les nouvelles sont à la paix ; aussi ne fait-il que rire et plaisanter. Hier dans son ardeur guerrière il se comparait à un sénateur romain, des sentimens du quel il semblait pénétré : Delenda est Carthago ; il faisait le serment d’Annibal : Salus populi suprema lex. Avec d’aussi belles maximes, se peut-il qu’il soit tant changé aujourd’hui, et pour me servir d’une de ses comparaisons, se peut-il qu’il prenne tant de plaisir à édifier des moulins à vent, pour les combattre à la façon de Don Quichotte ? Je ne sais de qui M. Gugy a voulu parler, lorsqu’il a dit que ces résolutions ne pouvaient venir que de la part de patriotes mendians. S’étant servi de ces expressions d’une manière générale, chaque membre doit les regarder comme si elles lui étaient adressées. Pour moi, je n’appartiens pas, il est vrai, à une de ces familles célèbres par les places qu’elles ont occupées, et les émolumens qu’elles ont reçus : j’appartiens à la famille d’un honnête bourgeois, qui par son industrie à su se procurer une existence aisée ; et, je m’en loue, je suis aussi indépendant que qui que ce soit. S’il a voulu parler de ceux qui mendient des suffrages aux élections, je lui déclare que je ne prends point ce reproche pour moi. J’ai dû céder aux vives sollicitations de mes constituans. J’espère donc que M. Gugy voudra bien révoquer cette fausse imputation. Qu’il ne se venge pas sur moi, s’il n’a pas été élu au comté de sa naissance. Dans le cours de la discussion, M. Gugy a dit que les discours emportés de l’Orateur expliquaient assez quelle a été la cause du 21 Mai. Il est vrai que de mon côté, j’ai pris une part active à cette élection ; et si M. Gugy prétend dire que ceux qui se sont mêlés de cette élection, y étaient invités par M. l’Orateur, il est grandement en erreur pour moi. Avant la fusillade du 21, je n’avais pas vu M. Papineau depuis la fin de la session : il en était ainsi des autres. Revenant à Mr Neilson, je dirai qu’il est en contradiction avec ses propres paroles et ses propres principes. Rien n’est plus fort pour nous engager à voter en faveur des résolutions, que ce qu’il nous a dit lui-même. La conséquence, dit-il, suit le principe. Quel est le principe du conseil législatif ? La volonté arbitraire et capricieuse d’un gouverneur, voilà quel est ce principe. Si l’hon. M. dans un autre temps, quand son cœur battait encore pour le pays, a dit en Angleterre que ce principe était la cause de nos maux, je le lui demande aujourd’hui, ce principe ne dépend-t-il pas encore de la même volonté, qui le faisait opérer en 1828 ?