Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/21

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tions, il alla s’établir, avec ce qui lui restait de ses livres, dans une modeste chambre de la rue Chabanais, sans regretter pourtant le temps où il occupait un appartement au Palais-Bourbon, ou dans l’hôtel de M. de Vaudreuil. Il n’avait conservé, de l’ancien ordre de choses, que le souvenir de ses abus, et du nouveau, que l’espoir que la liberté sortirait triomphante de la lutte sanglante dans laquelle l’anarchie, excitée sourdement par le despotisme, l’avait engagée.

Ramené insensiblement à ses habitudes littéraires, ce fut presque uniquement pour l’occuper d’une manière utile que Ginguené et quelques autres conçurent le projet du journal intitulé : la Décade philosophique ; mais la mort qui naguère s’était trop fait attendre, quand il s’en remettait à elle du soin de l’affranchir des tyrans, ne lui laissa pas le temps d’y travailler. Une humeur dartreuse, qui avait été contrariée dans son cours, acheva ce que la honte de vivre sous une tyrannie anarchique avait commencé. Chamfort expira le 13 avril 1793, non pas sur un grabat, comme l’ont dit quelques personnes mal instruites ou mal intentionnées, mais dans le modeste asile où ses malheurs l’avaient relégué. La terreur était alors si générale, que ce fut un acte de courage que de l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure : et celui qui, au temps de sa faveur dans le monde, avait vu se presser autour de lui tant d’hommes se disant ses amis, sem-