Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/236

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preinte de son âme. Enfin la raison se réveille ; elle saisit quelques lueurs éparses dans cette solitude immense. A leur c’arlé duuteiise , elle n’embrasse que des fantomes : ne voyant autour d’elle aucun génie capable de la guider, elle court vers Aristote qu’elle découvre dans le lointain ; mais il ne la retira de l’abîme de l’ignorance, que pour la replonger dans celui de l’erreur: elle s’y enfonce avec lui. Là , enchaînée à ses pieds , elle y contracte , comme un vil esclave, le caractère, la forme , et jusqu’a:;x attitudes de son aveugle maître : elle v perd cette audace salutaire et cette liberté d’intelligence qui voient toujours la vérité au dessus du grand homme, et osent le quitter pour elle. Rien n’est si fécond que l'erreur : l’âme la produit sans culture. Déjà ses racines funestes se sont étendues de toutes parts ; elles menacent d’étouffer la raison humaine; et , aux premiers efforts que le génie hasarde , la superstition accourt et l’épouvante.

C’est ainsi que nous abusons de tout, même du génie des grands hommes. Aristote a parlé: et pendant deux mille ans la vérité n’ose le démentir. Des que la célébrité d’un grand écrivain ou d’un philosophe haidi en impose à l'imagination,les esprits médiocre.s s’alli’oujK>r.t sous ses étendards, s’(uii])re,sseTit d’adopler ses idées sans discernement , et croient s’associera sa gloire. La pai’es.se se repose bientôt sur la force de ses décrets, et achevé de nous priver du seul remède