Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/237

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DE CH\MFOBT. 21 J

qui nous reste: la réflexion est nn état violent pour nous. Une sorte de sentiment co:if;iS de la brièveté de notre vie , qui nous presse d'agir et de jouir, nous fait regretter les iiistans que nous perdons à connaître avant de vouloir , à douter avaiit de choisir. L'incertitude devient un tour- ment , dont notre âme se délivre par une erreur, si elle ne le peut par une vérité. Cette liberté si ' noble de nos jugemens e!; de nos pensées , nous l'abandonnons honteusement au premier usur- pateur, s'il ne se trouve quelque sage bienfaisant qui la réc'ame pour nous la rendre ; et ce sage même peut-il obienir de nous que nous en rete- nions dans nos nsains le domaine précieux? Nous passons témérairement Les bornes où sa sagesse avait voulu nous arrêter ; son ambition était de régner sur des hommes libres , et nous le faisons despote malgré lui ; le grand homme indigné de nous voir lui demander de nouveaux fers, après que sa n^ain généreuse vient de briser les anciens, pourrait s'écrier av.'c plus d'humanité que Tibère: O hommes né-; pour la seivltude !

Quel sera donc le génie bienfaisant qui brisera, qui soulèvera du moins cet amas de chaînes sous lequel l'homme restait accablé volontairement ? Leve-toi , Descartes ! c'est toi que l'Eternel a nom- me pour opérer ce protlige ; étends ton bras, saisis riiumiiie, et luis avec lui vers la lumièi-e ; lajs.\e cet être aveugle et intrrat se débattre dans tes mains comme dans celles d'un ennemi; sou-

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