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290 CœUVRES

Phèdre, L'auteur de Mahomet en a profité habi- lement , quand il s'est servi d'Omar pour donner à Mahomet l'idée de faire immoler Zopire par Seïde.

Quoique les anciens aient négligé plus d'une fois de soutenir les caractères dans toute leur force, ils ne laissaient pas d'en sentir la nécessité. Lorsqu'ils étaient obligés d'avilir lui héros , un dieu ou une déesse venait partager le crime avec lui , ou même s'en chargeait entièrement. Les hommes aimaient mieux qu'on leur montrât un dieu vindicatif, ou une déesse jalouse, qu'un être de leur espèce vil et dégradé. C'est ainsi que, dans Homère , Minerve , la déesse de la sagesse , con- duit Ulysse et Diomède aux tentes de Rhésus. Elle ne se montre ni plus juste, ni plus généreuse dans r^'ao^ywnewx , où elle trompe ce malheu- reux prince , en feignant de le servir , tandis qu'elle sert en cfiet son rival. L'usage que les anciens faisaient, à cet égard , de leurs divinités, paraît plus condamnable encore que la manière dont ils s'en servaient pour le dénouement de leurs pièces.

Il est à peu près reconnu que les modernes sont très-supérieurs aux anciens dans l'art de tracer les caractères. Je ne doute pas que ceux-ci n'aient bien peint les mœurs existantes sous leurs yeux. Je dis seulement que les caractères des bons ou- vrages anciens ne sont pas aussi fortement dessinés que ceux des bons ouvrages modernes. Je crois

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