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Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/326

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3o2 COUVRES

brnvans de la ville. Qu'il prenne garde seulement de détruire le prestige, en donnant à ses person- nages des sentimens ou des idées étrangers à leur état ; mais qu'il ne craigne pas de me les mon- trer plus aimables qu'ils ne le sont en effet. Ses bergers sont-ils de beaux esprits ? je ne suis point à la campagne , ni Fontenelle non plus : sont- ils grossiers ? je m'y déplais , fût-ce avec Théocrite. Un philosophe a dit que , hors Dieu , rien n'est beau , dans la nature, que ce qui n'existe pas. On ne peut pas condamner plus fortement la repré- sentation de la nature commune. Parmi nous , quelques auteurs , prenant pour guide cette phi- losophie froide et fausse qui , pour mieux mesu- rer le champ des beaux-arts , commence par en arracher les fleurs et les fruits , ont cru , comme nos voisins, qu'il fallait réduire les arts à cette vérité rigoureuse qui fait de la ressemblance la chose même qu'on a voulu imiter. Si l'artiste qui cherche à la peindre, se propose de tromper tout à fait le spectateur, il méconnaît l'objet de son art. Il faut donner à l'Ame le plaisir de s'exercer; et les copistes, en quelque genre que ce soit, ne don- nent jamais ce plaisir. Ce tableau du Poussin me saisit d'admiration : toutefois l'illusion n'opère pas sur moi, au point de rne faire adresser la pa- role aux êtres qui paraissent animés sur la toile; ce n'est pas même ce plaisir que je cherche. Cette statue dont j'admire la beauté , essayez do la peindre des véritables couleurs de la nature, que

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