la carnation soit exactement semblable à celle d’un homme , assurez l’effet du prestige en le couvrant d’habits semblables aux nôtres : mon plaisir est évanoui ; une ridicule surprise prend la place de l’admiration; je vois qu’on a voulu créer un homme , et qu’on n’a pas réussi. Je me demande pourquoi cette figure ressemble à un homme , et n’en est point un. Je souhaite avec Pigmalion que la statue soit animée ; je sens l’insuffisance de l’artiste: elle me rappelle la mienne; et c’est cette idée qu’il doit toujours écarter. Il est à croire que le sentiment de la difficulté vaincue est un charme secret et toujours agissant , qui se mêle au plaisir que nous éprouvons à la vue d’une belle imitation de la nature.
D’après ces considérations, on est en état de décider si la philosophie peut faire autant de tort à la poésie , que le prétendent la plupart des gens de lettres. Il est vrai que quelques écrivains en ont abusé, en la faisant dégénérer en une vaine métaphysique. Mais observez les avantages qu’elle peut produire en éclairant la marche d’un talent véritable. Un auteur célèbre a dit que tout ou- vrage dramatique est une expérience faite sur le cœur humain. C’est le philosophe qui la dirige ; le poète ne fait que passionner le langage de ses acteurs. L’un place le modèle , l’autre dessine avec feu. Je sais que le génie peint à grandes touches et dédaigne les nuances; mais je ne puis croire qu’il soit toujours emporté par une impul-