Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/472

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détruire comme on a détruit. Ils auraient bien voulu qu’on nettoyât l’étable d’Augias avec un plumeau.

— Dans l’ancien régime, un philosophe écrivait des vérités hardies. Un de ces hommes que la naissance ou des circonstances favorables appelaient aux places, lisait ces vérités, les affaiblissait, les modifiait, en prenait un vingtième, passait pour un homme inquiétant, mais pour homme d’esprit. Il tempérait son zèle et parvenait à tout ; le philosophe était mis à la Bastille. Dans le régime nouveau, c’est le philosophe qui parvient à tout : ses idées lui servent, non plus à se faire enfermer, non plus à déboucher l’esprit d’un sot, à le placer, mais à parvenir lui-même aux places. Jugez comme la foule de ceux qu’il écarte peuvent s’accoutumer à ce nouvel ordre de choses !

— N’est-il pas trop plaisant de voir le marquis de Bièvre (petit-fils du chirurgien Maréchal), se croire obligé de fuir en Angleterre, ainsi que M. de Luxembourg et les grands aristocrates, fugitifs après la catastrophe du 14 juillet 1789 ?

— Les théologiens, toujours fidèles au projet d’aveugler les hommes ; les suppôts des gouvernemens, toujours fidèles à celui de les opprimer, supposent gratuitement que la grande majorité des hommes est condamnée à la stupidité qu’entraînent les travaux purement mécaniques ou manuels ; ils supposent que les artisans ne peuvent