Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t2.djvu/242

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1)K CnAMFORT. 3 I

L’action la plus coupable de cette journée, plus heureuse par ses suites que funeste par ses dé- sastres, celle qui fait le sujet de ce tableau, jointe à l’incursion gratuite de M. de Lambesc dans les Tuileries, a été, comme on sait, l’objet d’une poursuite juridique. L’accusé a été absous, et il en sera qyiitte pour le mépris et l’horreur de la postérité. En avouant les faits, il a prétendu n’a- voir agi que d’après des ordres supérieurs, quoi- que ces ordres n’aient pu lui faire un devoir de poursuivre ses victimes jusques dans un jardin rempli d’hommes désarmés, de femmes et d’en- fans. Au défaut de la loi civile, un conseil de guerre devait juger ses moyens de défense. Mais qu’eut servi ce conseil de guerre, sinon à faire voir la difficulté de porter un jugement dans une affaire de ce genre, au moment où périssent les principes du despotisme, où commencent à naître ceux de la liberté ? Si l’insurrection eut fini par être appelée révolte (ce qui ne pouvait arriver que par la victoire du despotisme ) M. de Lam- besc, absous par la loi, eût été récompensé par les dépositaires de la puissance ; mais il eût été encore méprisé autant que haï, pour avoir mêlé à l’exécution de leurs ordres une cruauté inutile. Dans le triomphe de la cause publique, quand l’unanimité et le succès de l’insurrection rendent ridicule la tentative de lui donner le nom de ré- volte, l’indulgence de la loi qui l’absout, prouve seulement que cette loi, ouvrage du despotisme,