Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t2.djvu/368

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DF’irilAJFORT. 357

bi(Mitôt après. Quel triomphe, s’ils eussent osé le prévoir, quel triomphe pour les philosophes dont les vœux l’avaient appelée, dont les écrits la préparaient depuis quarante ans! Qu’auraient-ils dit de ce changement subit et imprévu? Qu’au- rait dit Voltaire, lui qui crut affronter le dan- ger d’un ridicule, et se vit contraint d’employer les plus grands ménagemens, quand il osa s’é- lever contre l’usage de ne célébrer après leur mort que ceux qui ont été, pendant leur vie, donnés en spectacle au monde par leur élévation, quand il osa réveiller la cendre de ceux qui ont été utiles? C’est ainsi qu*il s’énonce dans l’exorde de l’éloge funèbre consacré à la mémoire des offi- ciers morts dans la guerre de 1741- C’était alors une hardiesse de louer des hommes qui n’avaient été ni princes, ni maréchaux de France, qui n’a- vaient été que des officiers. Et les soldats... Ilélas! dans cet éloge, ils sont qualifiés de meurtriers mercenaires, à qui l’esprit de débauche, de liber- tinage et de rapine a fait quitter leurs campagnes, qui vont et changent de maîtres, qui s’exposent à la mort pour un infâme intérêt. «Tel est, dit Voltaire, tel est trop souvent le soldat. » Oui, grand homme : mais à qui la faute ? vous le saviez bien. Vous ajoutez : «Tel n’est point ïof/icier ido- lâtre de son honneur et de celui de son souverain, bravant de sang froid la mort avec toutes les rai- sons d’aimer la vie, quittant gaîment les délices de la société, pour des fatigues qui font frémir la