Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t2.djvu/69

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58 OEUVRES

— Marmontel, dans sa jeunesse, recherchait beaucoup le vieux Boindin, célèbre par son es- prit et son incrédulité. Le vieillard lui dit : « Trou- vez-vous au café Procope. — Mais nous ne pour- rons pas parler de matières philosophiques. — Si fait, en convenant d’une langue particulière, d’tm argot, w Alors ils firent leur dictionnaire : l’âme s’appelait Maigot; la religion, Javotte; la liberté, Jeanne ton; et le père - éternel, M. de VÉtre. Les voilà disputant et s’entendant très- bien. Un homme en habit noir, avec une fort mauvaise mine, se mêlant à la conversation, dit à Boindin : «Monsieur, oserais-je vous demander ce que c’était que ce monsieur de l’Être qui s’est si souvent mal conduit, et dont vous êtes si mé- content? — Monsieur, reprit Boindin, c’était un espion de police. » On peut juger de l’éclat de rire, cet homme étant lui-même du métier.

— Le lord Bolinghroke donna à Louis xiv mille preuves de sensibilité pendant une maladie très-dangereuse. Le roi étonné lui dit : « J’en suis d’autant plus touché,. que vous autres Anglais, vous n’aimez pas les rois. — Sire, dit Bolingbroke, nous ressemblons aux maris qui, n’aimant pas leurs femmes, n’en sont que plus empressés à plaire à celles de leurs voisins. »

— Dans une dispute que les représentais de Genève eurent avec le chevalier de Bouteville, l’un d’eux s’échauffant, le chevalier lui dit : « Sa- vez-vous que je suis le représentant du roi mon