lomnies par lesquelles ils cherchent à flétrir des hommes simples et innocens, dont ils ont provoqué les vengeances. Cette vérité affligeante, que M. le Vaillant prouve par des exemples et par des faits, semble lui avoir inspiré une sorte de passion pour les sauvages, et une profonde aversion pour les blancs, et en général pour la civilisation : sentiment qui paraît toujours un peu bizarre, que le vulgaire appelle misantropie, et qui n’est au contraire, qu’un amour trop ardent de l'humanité, et une violente indignation contre les crimes, qui, dans l’ordre social, font le malheur des hommes. « Partout où les sauvages, dit M. le Vaillant, sont absolument séparés des blancs, et vivent isolés, leurs mœurs sont douces ; elles s’altèrent et se corrompent à mesure qu’ils les approchent. Il est bien rare que les Hottentots qui vivent avec eux, ne deviennent des monstres. Lorsqu’au bord du Cap, je me suis trouvé parmi des nations très-éloignées, quand je voyais des hordes entières m’entourer avec les signes de la surprise, de la curiosité la plus enfantine, m’approcher avec confiance, passer la main sur ma barbe, mes cheveux, mon visage ; je n’ai rien à craindre de ces gens, me disais-je tout bas, c’est pour la première fois qu’ils envisagent un blanc.» Juvénal n’a rien de plus fort que ce dernier trait ; mais il se trouve malheureusement trop justifié dans le voyage de M. le Vaillant, par le contraste des mœurs sauvages et des mœurs européennes.
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